Originaire de l’Arkansas, Jeff Nichols est diplômé en cinéma de la North Carolina School of Arts en 2001. Durant ses études, le jeune cinéaste fait ses armes en tournant plusieurs courts-métrages et travaille sur quelques longs. Outre une apparition dans le film Come Early Morning de Lee Young, il participe en 2003 et 2004 à la production du film documentaire Be Here to Love Me : A Film About Townes Van Zandt. Il se lance alors dans l’écriture de son premier long métrage, Shotgun Stories, qu’il tourne en 2006 avec peu de moyens. Le film sort sur les écrans français en janvier 2008. Drame familial, histoire de vengeance autant que réflexion sur l’impossibilité de se satisfaire dans la violence, métaphore du mythe américain et variation sur de grands thèmes bibliques, Shotgun Stories permet au cinéaste à peine âgé de trente ans de se faire immédiatement remarquer. Là où certains seraient tombés dans le piège d’un premier film tape-à-l'oeil, Jeff Nichols opte pour un classicisme humble et parfaitement maîtrisé, construisant une mise en scène fine et implacable. Shotgun Stories fait le tour des Festivals (Berlin, Tribeca ou encore Paris Cinéma), reçoit un bon accueil critique et un écho public relativement encourageant pour un premier film indépendant.
A peine remis de cette première expérience, Jeff Nichols réfléchit déjà à un deuxième film (Take Shelter) dont il signe le scénario et qu’il tourne en 2010. Le cinéaste propose à nouveau un drame familial autour d’un personnage central en proie à des visions apocalyptiques. Take Shelter va plus loin dans la recherche cinématographique. Jeff Nichols mêle le drame intimiste, un décor de western et de fortes influences fantastiques sans oublier de construire un film dense. Tour à tour thriller psychologique, image d’une Amérique en crise et relecture biblique ce deuxième long-métrage est un coup de maître qui enthousiasme le festival de Sundance 2011 avant de remporter en mai le Grand Prix de Semaine de la Critique à Cannes.
En deux longs métrages, Jeff Nichols a su imposer un style et une vision du monde aussi personnels qu'accessibles. L’homme semble avoir tous les atouts pour poursuivre une œuvre cinématographique ample et passionnante. Souvent présenté aux confluences du cinéma de Terrence Malick et de Steven Spielberg, Jeff Nichols a contribué à renouveler le western moderne et le cinéma américain indépendant. Le réalisateur sait également s’entourer de brillants comédiens. Michael Shannon est rapidement devenu son acteur fétiche (il apparaîtra également dans le troisième film de Nichols, Mud). Shotgun Stories et Take Shelter n’auraient pas eu la puissance qu’ils développent sans la présence incroyable du comédien, déjà vu dans Vanilla Sky, Bug, World Trade Center, 7h58 ce samedi-là, Les Noces Rebelles ou encore le Bad Lieutenant de Werner Herzog. Jeff Nichols a, quant à lui, permis à Michael Shannon d’avoir la reconnaissance critique qu’il méritait en lui offrant de magnifiques premiers rôles. Take Shelter met également en lumière Jessica Chastain, une des révélations de l’année 2011 vue dans le Tree of Life de Terrence Malick, Palme d'Or du Festival de Cannes 2011.
Humble, exigeant et déterminé dans son travail, Jeff Nichols construit une filmographie solide, sans esbroufe ni facilité. Son troisième long-métrage, Mud, dont il signe à nouveau le scénario, devrait lui permettre de poursuivre sur cette lancée. Le drame est ici centré sur la rencontre de deux adolescents avec un fugitif. Le film pourrait toucher un public plus étendu en optant pour un casting prestigieux, où figurent Reese Witherspoon, Matthew McConaughey et Sam Shepard. Jeff Nichols offre une voix à part sous couvert d’un classicisme révérencieux et référencé qui contribue à redynamiser le cinéma indépendant américain et laisse envisager d’autres moments épiques.
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