James Cameron Mitchell débute sa carrière de réalisateur en 2001 à l’âge de 38 ans avec son premier film Hedwig and the Angry Inch. Il est donc l’un des aînés de notre sélection… mais aussi peut-être l’un des plus vifs, portant un univers cinématographique neuf et provocateur dans cette première décennie des années 2000.
Né en 1963 au Texas d’un père militaire de carrière, il connaît une éducation catholique stricte et suit son père tous les deux ans à travers le monde, dont l’Allemagne de l’Ouest (le personnage principal d’Hedwig and the Angry Inch est d’ailleurs inspiré de sa nounou de l’époque, femme de militaire allemand et prostituée aux allures de Marlène Dietrich à la coiffure blonde démesurée).
John Cameron Mitchell affirme son homosexualité et s’émancipe de sa première éducation au contact de l’écriture et la comédie. Les thématiques liées à la sexualité et au genre deviennent très vite au centre de sa création artistique pluridisciplinaire. Il débute en effet une belle et éclectique carrière d’acteur, danseur, chorégraphe dans les années 80 et 90 qui le mèneront aussi bien à la télévision (MacGyver ou The Roommate de Nell Cox) que sur les planches de Broadway (dans la comédie musicale Hello Again, pour laquelle son interprétation lui vaut en 1994 une nomination aux Drama Desk, équivalent de nos Molières).
La lecture du Banquet de Platon et sa rencontre avec le compositeur rock Stephen Trask au milieu des années 90 l’amènent à la composition d’une chanson : Origin of Love. Puis, peu de temps après à l’écriture de l’opéra rock Hedwig and the Angry Inch, l’histoire de Hedwig, un petit garçon né en Allemagne de l'Est qui, pour suivre un G.I. américain dans le monde libre, devra "laisser quelque chose derrière lui", c'est-à-dire son sexe masculin. Mais l'opération n'est pas tout à fait aboutie, d'où le "angry inch" du titre. Mélange entre Cabaret de Bob Fosse et The Rocky Horror Picture Show, le spectacle, mis en scène et interprété par Cameron Mitchell fera la tournée des bars gay et du off Broadway pendant 4 ans. Le bouche à oreille est si grand qu’à la fin des années 90, la productrice de cinéma indépendant new-yorkaise la plus en vue, Christine Vachon (productrice de Todd Haynes, Todd Solondz ou Larry Clark) lui propose de transposer sa pièce au cinéma. Avec une présentation à Sundance, puis à Deauville, la carrière cinématographique de James Cameron Mitchell est lancée. Le film connaîtra ensuite un beau succès critique et commercial à travers le monde.
Cinéphile et acteur de formation, il reproduit les techniques de ses maiîres (Altman, Cassavetes…) et attache une grande importance à la préparation des acteurs… Ainsi, pour son deuxième film, Shortbus, il choisira d’employer des acteurs non professionnels et de les faire répéter en situation pendant près de deux ans… Shortbus est un film choral sur les différentes pratiques sexuelles de jeunes New-yorkais, aimant à se retrouver dans un club où tout est permis … Précédé d’une rumeur sulfureuse en raison la présence de scènes de sexe explicites, le film est salué par la critique et le président du Jury Wong Kar Wai lors de son passage en Hors Compétition au Festival de Cannes de 2006
En parallèle, ce « jeune » réalisateur, continue sa carrière d’acteur (Girl 6 de Spike Lee en 1996), se lance dans la production avec le premier film de Jonathan Caouette, Tarnation (2004) et signe la réalisation de clip vidéo pour les Scissor Sisters, Filthy/Gorgeous censuré sur MTV.
Après cette première décennie immergée dans le cinéma indépendant américain et la culture gay, James Cameron Mitchell opère en 2010 un certain tournant professionnel, qui ne pourra qu’étonner ses premiers fans. Il signe deux courts-métrages très esthétiques, sages et sensuels pour le sac Lady de Dior avec Marion Cotillard et porte au cinéma la pièce américaine à succès The Rabbit Hole de David Lindsay-Abaire avec dans le rôle titre Nicole Kidman (qui produit aussi le film). Ce dernier étant l’histoire d’un couple qui doit survivre à la récente perte accidentelle de leur jeune fils unique.
Tournant artistique pour certains, attrait pour l’argent pour d’autres… Personne ne comprend et n’ose véritablement critiquer cette évolution qui finirait de cataloguer et d’emprisonner les réalisateurs indépendants et/ou homosexuels trop facilement… De notre côté, retenons que James Cameron Mitchell reste un créateur multiple, un conteur et un cinéaste de talent qui aime à se sentir à l’aise dans la réalisation d’une pièce à succès puis la minute suivante, accepter, à presque 50 ans, de revenir sur scène avec Hedwig and the Angry Inch, cette fois-ci dans le « In » de Broadway.
La création de James Cameron Mitchell continue donc encore aujourd’hui son influence au théâtre, au cinéma mais aussi dans la musique comme le souligne une récente critique du New York Post affirmant que Lady Gaga, jeune spectatrice de la pièce des années 90, aurait tout copié de notre magnifique et somptueuse Hedwig. Visionnaire d’une future starification de personnages atypiques ou précurseur de tout un pan de la culture commerciale de notre décennie… C’est en tout cas pour toutes ces possibles raisons que James Cameron Mitchell et son premier film Hedwig and the Angry Inch a gagné sa place dans notre « panthéon » des « jeunes » réalisateurs des années 2000.
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